Hydrogène-énergie: la filière de Grenoble prometteuse mais la France en retard

Grâce à l'opération HyWay, premier déploiement d'une flotte de véhicules électriques avec prolongateur d'autonomie à hydrogène, Grenoble fait figure de poste d'avant-garde en matière d'expérimentation. L'agglo compte aussi de fervents défenseurs de cette énergie. Mais la France cumule les retards.

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La 4e édition des Journées Hydrogène s'est tenue à Grenoble, les 29 et 30 juin. 300 chercheurs, entrepreneurs et poliques se sont réunis autour d'une cause: améliorer cette technologie et surtout permettre son déploiement. 

La France dispose d'acteurs de poids et d'entreprises bien positionnées dans les nouvelles applications de l'hydrogène (mobilité, stockage d'électricité, etc.) mais le déploiement reste "faible" sur le territoire, selon une étude publiée par le cabinet Sia Partners. "Les quatre prochaines années pourraient constituer une période décisive tant pour l'émergence d'une production propre et décarbonée d'hydrogène que pour le développement de nouvelles applications de l'hydrogène-énergie", estime Sia Partners.

L'hydrogène est utilisé de longue date, notamment dans l'industrie chimique et le raffinage, mais 95% des volumes produits le sont à partir des énergies fossiles. Les nouveaux développement autour de l'hydrogène visent à industrialiser sa production à partir de l'électrolyse de l'eau, mais aussi de l'utiliser comme une source de génération d'électricité en alimentant une pile à combustible. Sauf que ces technologies restent encore chères par rapport aux alternatives existantes.

Un "regain d'intérêt" pour la mobilité 

Mais, toujours selon Sia Partners, elles pourraient voire leur prix se réduire à l'avenir, notamment dans la mobilité, qui enregistre un "regain d'intérêt" ces dernières années. "Le coût de production d'un kg d'hydrogène renouvelable permettant à un véhicule électrique à hydrogène de parcourir 100km pourrait (...) atteindre 3 euros/kg dans des installations d'électrolyse à grande échelle", estime le cabinet.

L'enjeu sera encore de développer une infrastructure de distribution de ce nouveau carburant. Contrairement aux pays qui tirent la mobilité hydrogène (Etats-Unis, Allemagne, Japon), la France a fait le choix de se concentrer sur les flottes des entreprises ou dans le secteur des transports. Mais le cabinet prévoit que la France pourrait doubler en 2030 la production d'hydrogène par rapport à 2015.

Le cas grenoblois

Et l'Hexagone possède des atouts, notamment des grands groupes qui travaillent sur l'hydrogène, comme Air Liquide, et des PME dynamiques, comme McPhy Energy. Des entreprises qui ont pignon sur rue dans l'agglo grenobloise. 

Lancé en 2014, à Grenoble et Lyon, le projet HyWay inclut ainsi plusieurs partenaires industriels (Air Liquide, la CNR, GEG, McPhy Energy, COFELY Services, Symbio FCell et le CEA Grenoble) et a permis de déployer une flotte de 50 véhicules électriques comportant des prolongateurs d'autonomie à hydrogène, autour de stations.

Reportage Cédric Picaud et Dominique Bourget 
Intervenants: Pierre Lombard, directeur commercial Mc Phy Energy; Catherine Candela, déléguée générale du Pôle de Compétitivité Tenerrdis; Pierre Forté, PDG Pragma Industries

 

La filière hydrogène réclame une politique de soutien plus ambitieuse
Les acteurs français de l'hydrogène ont réclamé une politique publique de soutien "plus ambitieuse" pour le développement de leur filière, qu'ils jugent nécessaire à la croissance des énergies renouvelables.

"L'hydrogène, c'est aujourd'hui, pas à moyen terme. On demande une politique de soutien plus ambitieuse", a déclaré Pascal Mauberger, président de l'Association française pour l'hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC), à l'occasion de l'ouverture des 4e journées "Hydrogène dans les territoires" à Grenoble.

Un appel à projet "Territoires hydrogène" a été lancé début mai par le gouvernement "pour développer une économie de l'hydrogène à l'échelle d'un territoire". 

"Au départ, l'État ne s'attendait pas à beaucoup de retours. Et finalement, c'est un succès", a commenté Florence Lambert, directrice du laboratoire de recherche CEA-Liten, évoquant "une trentaine de projets majeurs".

Mais "ce que nous déplorons, c'est qu'il n'y ait pas de financement dédié sur cet appel à projet", a pointé M. Mauberger, évoquant "des dizaines ou centaines de millions d'euros" nécessaires.

"On ne fait pas une start-up énergétique dans son garage. Une filière énergétique, ça met dix ans à émerger", a abondé Mme Lambert, par ailleurs chef de projet "stockage de l'énergie" dans le cadre du plan "Nouvelle France industrielle".

En permettant le stockage des énergies renouvelables intermittentes (éolien, solaire), "l'hydrogène permet d'accélérer leur développement", souligne M. Mauberger. Il a notamment évoqué le projet de conversion et de stockage de l'électricité sous forme de gaz ("Power to gas") mené par GRTgaz et le port de Marseille.

"Le marché qui décolle dans l'hydrogène, c'est la mobilité", a aussi souligné M. Mauberger. Une dizaine de stations alimentent 150 véhicules à l'hydrogène actuellement en France. Dans ces véhicules électriques, la pile à combustible remplace la batterie, permettant une autonomie de plus de 500 kilomètres pour un temps de remplissage de quelques minutes.

La filière vise 1.000 véhicules et 100 stations sur l'Hexagone en 2020 et 800.000 véhicules pour 500 à 600 stations à l'horizon 2030. 

"Il y a un enjeu économique", a souligné le président de l'AFHYPAC, parlant d'"au moins 10.000 emplois à la clé sur ces filières".
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